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Viallou's Adventures in Russia
Viallou's Adventures in Russia
Nutella et inquiétudes

Nutella et inquiétudes

Aujourd'hui, j'ai mal au crâne. Ça arrive souvent, vu que je me sens constemment fatiguée. Ça me fait imaginer comme une manivelle, vous savez, le genre d'outil qui sert à ouvrir les tonneaux. J'en imagine un collé contre ma tempe, et un troisième bras fantomatique me pousse, va tourner cette manivelle inlassablement, et la pointe creuse, creuse dans l'os, et j'ai mal au crâne.

D'autres fois, je patine juste dans la semoule. Alors la manivelle atteint carrément le cerveau, qui est une succession d'engrenages en bois. Ils grincent, ralentissent, mais au moins, ça continue à tourner. C'est ce que je me dis pour me rassurer, au moins, ça tourne. Pas rond, c'est sûr, mais ça tourne.

Donc, aujourd'hui, c'est la manivelle à tonneaux. Je me suis levée tôt, aussi, pour aller à un cours. J'espérais bosser après, mais apparemment ils n'ont pas besoin de moi pour l'instant. Le fait que j'aie besoin d'eux est accessoire, on dirait. Je travaille dans un laboratoire de développement photo, ce qui, je sais n'est pas très logique vu que j'étudie les langues, mais bon, je suis une scientifique dans l'âme <3

En sortant du cours, je prends le métro parisien avec Tamara. Elle est russe, enfin, même si d'après ses propres mots, elle se sent beaucoup plus française.

Je lui demande si ils ont du Nutella, en Russie. Juste histoire de savoir si il faut que j'en embarque une dizaine de pot pour l'année que je compte y passer.

Ouf, elle me dit qu'ils en ont, mais surtout du noir et blanc. Comme un pot normal, mais avec des bandes noires et blanches au lieu du marron, quoi. Jamais vu ça, elle me dit qu'ils l'ont arrêté en France.

Mais c'est cher, en Russie, le Nutella. Pas ça qui va m'arrêter, je paierais n'importe quel prix pour mon pot de Nutella. Je ne me voyais pas passer UN AN sans en manger.

Quand j'étais au lycée, après une mauvaise journée (donc la grande majorité de mes 3 ans), j'avais mon petit rituel de Retour à la Maison : manger une cuillère à soupe de Nutella. D'ailleurs, c'est moi qui finis les pots, à la maison. Quand un pot est presque vide, on marque "Clara" dessus, et on en ouvre un nouveau. L'ancien est pour moi, pour que je le finisse plus tard en raclant avec ma cuillère à soupe.

Quand j'étais au lycée, après une mauvaise journée (donc la grande majorité de mes 3 ans), j'avais mon petit rituel de Retour à la Maison : manger une cuillère à soupe de Nutella. D'ailleurs, c'est moi qui finis les pots, à la maison. Quand un pot est presque vide, on marque "Clara" dessus, et on en ouvre un nouveau. L'ancien est pour moi, pour que je le finisse plus tard en raclant avec ma cuillère à soupe.

Tamara me dit qu'elle ne retournera plus jamais en Russie. Là, franchement, je comprends pas.

Je veux dire, elle est russe, c'est sa patrie.

"Tu sais, là bas, du moment que tu viens de l'étrangère (c'est trop mignon ses petites fautes de français), il te mettent les battons dans les roues. J'ai perdu tous mes amis là bas. Et puis c'est la pauvreté, c'est beaucoup la pauvreté là bas, alors ils sont jalouses de tout, de tout. Et puis il y à beaucoup des accidents de voiture, j'étais là bas en séjour de 20 jours, j'ai eu 4 accidents devant moi ! Même les tramways, les voitures roulent sur les voies. Et puis c'est aussi beaucoup la bureaucratie, on a attendu très longtemps pour avoir nos visas, et on a dû payer par derrière, tu sais, Clara. Tout s'achète là bas, les permis, la visa... Non, vraiment, moi la Russie c'est fini."

Je dois dire que c'est pas très rassurant, tout ça! Je dois la regarder avec un air inquiet, parce que Tamara me demande pourquoi je veux aller un an en Russie.

"Parce que mon niveau en russe est lamentable. Enfin, pas tant que ça, puisque je me débrouille en LEA*, mais bon. L'anglais, je le parle couramment, si on me lache en Angleterre, je m'en sors nickel. Par contre, en Russie, je vais galérer, et c'est le but. Je veux m'améliorer, et pour moi c'est le meilleur moyen, les méthodes universitaires de "s'asseoir dans un fauteuil et bûcher", chez moi, ça marche pas. J'ai jamais réussi à apprendre une langue comme ça. Alors je vais un an en Russie. Et si je ne tiens pas un an, je reste au moins de juillet à Noël, enfin le Noël français, en décembre ( le Noël russe, orthodoxe, est en janvier ). Je veux dire, ça sert à rien de s'investir autant pour partir si c'est pas pour rester."

Puis du coup, comme on n'est pas encore arrivées à ma station, je lui pose d'autres questions : ce qu'elle pense des banques en Russie, si elle connait la ville où je veux m'installer...

"La banque c'est bien, mais les cartes sont mangées dans un distributeur. Une amie de ma mère, elle a mis sa carte dans un distributeur, et il l'a mangée.

-Comme ça, sans raison ?

- Sans raison. En tout cas il faut que tu mette une poche à l'intérieur de ton manteau, pour le cash, c'est sûr. Ah et ne cherche pas une borne wifi en Russie, ils n'en ont pas, ils ne connaissent pas. Il ne connaissent pas non plus les cybercafés. Soit tu trouves une cafétéria, et puis il faut le configurer le wifi, soit tu vas chez quelqu'un qui a le wifi chez lui.

-Et si je veux un abonnement pour avoir internet chez moi ?

-Ca n'existe pas. ils n'ont pas ça. Tu peux pas acheter comme chez nous une box.

- Mais comment ils font alors ceux qui ont internet ? Et puis il y à bien des sites russes !

-Je sais pas, Clara."

Là, ça me rappelle quelque chose. Je lui dis : " En même temps, ça les arrangerait pas trop. Regarde, en Chine, on parle beaucoup de la contestation sur le micro-bloging. Mais c'est vrai qu'on parle pas de la même chose en Russie... Même avec la censure."

Tamara ne répond pas mais hoche la tête avec un air entendu. Ça commence vraiment à me faire doucement flipper tout ça.

"Mais sinon Clara les loyers ne sont pas chers du tout. Nous on a payé pour un appartement 50€ pour un mois entier. C'est différent de Moscou, c'est pas cher du tout. Kazan, je ne connais pas, mais c'est pas cher."

Je la laisse sur cette pensée, et je retourne chez moi, un peu perturbée quand même.